Le saviez-vous ?
Il est possible de voler en France sans radio !
On pourrait croire qu'un sourd ou un malentendant est incapable de piloter un avion car il ne peut pas, a priori, utiliser la
radio. En réalité, l'absence de radio n'est gênante que pour les pilotes qualifiés IFR (Vol aux Instruments, autorisé par
mauvais temps), en général, des pilotes professionnels, pilotes de ligne, de transport ou militaires. A titre privé, le pilotage
d'un avion est, techniquement, tout à fait possible pour un sourd. Environ 2/3 des aérodromes français sont dépourvus de
tour de contrôle, ce qui exclut de fait toute liaison radio obligatoire avec les avions. Conformément aux règles du vol à vue,
le VFR (Visual Flight Rule en anglais) qui exige « voir et éviter », le décollage et l'atterrissage ainsi que la prévention des
collisions en l'air se font alors à vue, ce qui est tout à fait dans les capacités d'un pilote sourd.
Autre point à souligner : à bord de la plupart des avions de tourisme et des hélicoptères, le bruit ambiant est élevé. En cours
de vol, c'est par la vue que le pilote assure sa sécurité. C'est au pilote de voir et d'être vu. Or, nous l'avons souvent
souligné, «la surdité, c'est la vue». Un sourd n'est donc nullement «désavantagé». Pour le reste, ce n'est qu1une question de
connaissances techniques. Quelques dizaines des avions et des ULM ne sont pas équipés de radio (source : DGAC et
OSAC). Environ 2/3 de l'espace aérien inférieur, où évolue essentiellement l'aviation légère, n'est pas contrôlé. Les moyens
utiles au vol VFR sans radio sont par exemple les instruments : transpondeur, GPS, VOR, ainsi que le système des signaux
lumineux (mentionné par la SERA de décembre 2013) utilisé par la TWR (tour de contrôle pour les aérodromes contrôlés)
pour la procédure panne radio. Il existe un projet, appelé « AIR[FANS]4ALL », qui permet de donner des solutions aux
communications par radio (voir plus bas).
Des pilotes sourds volent en ULM...
Les ULM (Ultra-Léger Motorisés) offrent une véritable liberté. En France, la visite médicale - obligatoire pour piloter un
avion - n'est exigée qu’une seule première fois (pas de contre-indication) pour obtenir le brevet de pilote d'ULM. C'est ainsi
qu'on dénombre plus d’une trentaine de Français et même un Suisse, tous sourds et titulaires de la licence française de pilote
d'ULM. Environ une quinzaine d’autres sourds (dont au moins 2 femmes) sont, à notre connaissance, en formation. L’Aéro-
Club des Sourds de France possède un ULM multiaxes biplace pour former des élèves sourds et malentendants, avec un
instructeur sourd qualifié (formé par le CNULM fin 2003) à Coulommiers et le louer aux membres pilotes sourds brevetés
pour leurs vols, leurs voyages. C’est une première.
...et en planeur.
Le pilotage d'un planeur est un cas un peu plus particulier. En effet, comme généralement les fuselages sont très étroits,
l'élève pilote doit le plus souvent s'asseoir à l'avant et l'instructeur à l'arrière. Toutefois, pour apprendre aux sourds à piloter,
deux systèmes ont été mis au point :
- Le premier dispose d'un écran d'affichage et un vibrateur. La vibration prévient l'élève qu'un nouveau message est affiché.
L'affichage des messages tous préparés d'avance (environ une vingtaine) - est commandé par l'instructeur à l'aide d'un
boîtier de commande. Ce système a été conçu par un ingénieur anglais dont l'épouse est pilote de planeur sourde.
- Le second système est plus simple et plus économique : il suffit de fixer un rétroviseur à l'intérieur du cockpit et de
convenir de quelques signes. L'élève peut ainsi voir les instructions qui lui sont données gestuellement.
Tandis qu'en Grande-Bretagne une dizaine de pilotes sourds ont été autorisés à piloter des planeurs en solo (sept d’entre eux
ont obtenu leur licence de pilote de planeur SPL & LAPL(S)), en France, la réglementation médicale l'interdit - du moins
pour l'instant... bien qu'une femme sourde ait été lâchée en solo dans les années 1970. Plusieurs Français malentendants,
élèves-pilotes de planeur, ont dû abandonner...
Ils pratiquent aussi le vol libre (parapente, deltaplane)...
C’est une activité plus «libre» qui subit moins de contraints médicales. Il est pratiqué par plusieurs sourds. Les plus qualifiés
sont Francis Miniconi et Bruno Serripierri qui ont effectué plus de 1000 vols. Au moins une trentaine de sourds poursuivent
en ce moment des stages de parapente, dans les Pyrénées et dans les Alpes, en partie grâce à des instructeurs enthousiastes.
... le parachutisme et l’aéromodélisme !
En matière de parachutisme sportif, un ostracisme médical similaire sévit en France bien que, tout récemment, une
réglementation un peu plus favorable soit apparue : par dérogation, un sourd en bonne santé peut aujourd'hui être autorisé à
sauter. On soulignera que le parachutisme sportif est un sport dans lequel le rôle de l'audition est minime, largement
supplanté par la vision, surtout en phase de chute libre. Un Français, Thierry de Gramont, ingénieur au CEA, a obtenu tous
les brevets fédéraux et totalise 200 sauts. Il a même, à partir de son quarantième saut, participé à de grandes formations de
vol relatif. Même les femmes s'y sont mises. C'est l'exemple d'Anne-Marie Armengaud (27 sauts). Au moins une vingtaine
de sourds ont aujourd’hui été brevetés parachutistes, et plusieurs autres sourds poursuivent leur formation.
Pour l’aéromodélisme en revanche, pas de problème de visite médicale ! Et il est très difficile de dénombrer tous les adeptes
sourds, nombreux, de cette discipline.
Pour l’avion, c’est plus compliqué...
Dans le domaine de l'aviation, les sourds français sont actuellement dans la même position que les sourds qui souhaitaient
conduire une auto dans les années 50 : à l'époque, «on» s'accordait à penser qu'un sourd ne pouvait pas conduire une voiture.
C'est aujourd'hui devenu un fait très banal... Il faut souhaiter la même évolution pour l'aviation. Pour cela, il conviendra de
vaincre les très fortes réticences du Conseil médical français qui refuse - jusqu'à présent sauf exceptions - d'autoriser un
pilote sourd à voler seul. Aujourd'hui, dans notre pays, en dépit de l'avis favorable de nombreux instructeurs professionnels,
un pilote sourd doit obligatoirement être accompagné d'un instructeur ou pilote qui s'occupe de la radio.
Pourtant, c’est tout à fait possible !
Ces réticences ne sont pas de mise aux Etats-Unis. Plus de 250 sourds (source FAA) sont actuellement titulaires d'une
licence américaine de pilote privé avion (dont 4 ont leur qualification bimoteur) parmi lesquels un Français, un Hongrois, un
Australien et un Japonais, ainsi qu'en plus, au moins une trentaine d'élèves pilotes dont un Italien et un Allemand. Il faut
ajouter au moins 6 Australiens, une quinzaine d’Anglais sourds pilotes privés avion (PPL et LAPL)n ainsi que 2 Américains
sourds titulaires d'une licence de pilote privé hélicoptère sans oublier 5 Américains sourds pilotes professionnels avion.
Des solutions innovantes sont à l’étude...
Le projet « AIR[FANS]4ALL » qui succède aux projets WIC (World Interface Communication) et Aéropipelette ,
consiste à développer un nouvel équipement avionique certifié permettant une communication bidirectionnelle entre le
pilote et le contrôleur du trafic aérien au moyen de signaux textuels et d’indicateurs lumineux. Ce système s’appuiera sur les
normes existantes et les développements déjà réalisés depuis les années 1980 pour le système CPDLC qui équipe les avions
de ligne. Il permettra au pilote sourd de traverser, aux commandes d1un avion, les espaces aériens contrôlés, et de de
décoller ou d’atterrir sur des terrains contrôlés. Les technologies existent depuis longtemps, et l’accélération du
développement d’un tel système au bénéfice des pilotes sourds bénéficiera à l’ensemble de la communauté aéronautique. En
effet, il ne sera pas spécifique et permettra à l’ensemble des avions de bénéficier d’un moyen de communication plus sûr,
répondant aux exigences accrues de fiabilité dans des espaces aériens de plus en plus saturés. Une première phase d’étude de
faisabilité est en cours de discussion avec les partenaires envisagés (ENAC, Université Rennes 2, Airbus, Dassault, Safran,
Thalès et Altys Technologies.
... et les sourds se mobilisent !
En juillet 1994, suite à l'idée de deux pilotes Américains sourds, Jack Kesley et Clyde Smith, une trentaine de sourds, dont
un Français, titulaires d'une licence américaine de pilote privé avion, se réunissaient sur l'aérodrome de Knoxville au
Tennessee (USA), pour créer l'«International Deaf Pilots Association» (IDPA, Association Internationale des Pilotes
Sourds), actuellement renommée DPA-USA un groupe de défense des intérêts des pilotes sourds et malentendants, soutenu
par l'Association des Pilotes Propriétaires d'Avion (AOPA, 400 000 membres dans le monde) et l'Experimental Aircraft
Association (EAA). Le Fly-in (rassemblement) des pilotes sourds s’organise à une ville différente chaque année aux USA.
Rejoignez-les !
Henri Corderoy du Tiers, titulaire du brevet de pilote d’ULM (depuis 1986), qualifié instructeur ULM (depuis janvier 2004)
et des licences américaine (avec qualification bimoteur), anglaise et française de pilote privé (près de 2.100 heures en tout),
a fondé les associations européenne (IDPA-Europe créée en 1995 et dissoute en 1997) et française (IDPA-France créée en
1996) d'aviateurs sourds, en relation avec l'Association internationale des pilotes sourds (IDPA), qui s’appelle, depuis 2003,
«Aéro-Club des Sourds de France» (ACSF). Le but de ces associations est de développer le droit des sourds à exercer
toute activité aéronautique (avion, ULM, planeur, vol libre, parachutisme, aéromodélisme, etc.) en France et en Europe dans
le respect des conditions de sécurité. Des rassemblements, manifestations et stages sont parfois organisés chaque année.
L'adhésion de l'ACSF, en janvier 1997, à l'Aéro-Club de France a contribué à la création de la Commission Pilotes Handicapés au sein de cette prestigieuse institution (créée en 1898). Son objectif est de faire mieux reconnaître, au plus
haut niveau, les droits des pilotes handicapés. Cette Commission Pilotes Handicapés regroupe des pilotes paraplégiques,
sourds et malentendants, et malvoyants. On retrouve aussi la commission fédérale sur les vols adaptés dans la FFA (avions)
et de la FFPlUM (ULM) pour adapter les besoins des pilotes handicapés au pilotage d’avion et d’ULM en France. Cet aéro-
club est affilié depuis 2001 à la FFPlUM (ULM) et depuis 2016 à la FFA (avion). Avec un ULM performant, cet aéroclub
ACSF a créé en mai 2004 l’école de pilotage d’ULM pour former des élèves sourds avec un instructeur sourd qualifié et les
louer aux membres pilotes sourds brevetés. C’est une première mondiale ! Et l’ACSF a reçu l’agrément du Ministère de la
Jeunesse, des Sports et de la Vie Associative en avril 2005.
L'objectif de l'Aéro-Club des Sourds de France, première association créée par et pour pilotes sourds et
malentendants en France, est de rendre le ciel plus accessible aux sourds et malentendants par le moyen des activités
aéronautiques (sports aériens).
Siège social de l'Aéro-Club des Sourds de France :
c/o Aéro-Club de France, 6 rue Galilée 75116 Paris
Pour tout courrier, s'adresser au 46, rue de Varenne 75007 Paris
E-mail: aeroclub.sourds@gmail.com
Site web: http://www.aeroclub-sourds.com